Contexte
Les matériaux composites formés de fibres de carbone et de matrice en résine époxy sont de plus en plus utilisés dans les industries navales, automobiles et aéronautiques. En effet, leur résistance mécanique est comparable à celle des matériaux métalliques utilisés habituellement, tout en étant plus légers que ces derniers. Cela rend leur utilisation très intéressante, à l’heure où les économies d’énergie deviennent nécessaires. Cependant, l’utilisation de ces matériaux étant relativement récente, certaines études de sûreté doivent être menées afin de connaître et prédire leur comportement dans toutes les situations d’utilisation possibles et en particulier au feu. La question est de savoir si la structure composite peut supporter une charge mécanique tout en subissant le flux de chaleur élevé apporté en cas d’incendie et combien de temps. Pour y répondre, nous devons faire appel à des moyens expérimentaux, numériques et complémentaires.
Résultats
Dans le cadre de la thèse et afin de répondre à la question précédente, une modélisation multiphysique couplée a été mise en place. Dans la littérature, certains travaux ont mis en évidence la dégradation thermique du composite lorsque celui-ci est soumis à un certain flux de chaleur. Suite à l’exposition au flux, le matériau se transforme en charbon, dont les propriétés physiques sont très différentes de celles du matériau vierge [1]. De fait, ce charbon se révèle très poreux et présente des propriétés mécaniques bien inférieures. En ce qui concerne les propriétés thermiques, la conductivité est réduite suite au délaminage ayant lieu à l’interface entre le charbon et le matériau sain. Ainsi, le charbon forme un écran thermique entre le composite sain résiduel et le flux de chaleur auquel le composite est exposé. Ce sont quelques exemples parmi les multiples couplages mis en évidence entre les propriétés mécaniques du matériau (résistance à rupture, module de Young), sa dégradation thermique et ses propriétés thermiques.
Afin de pouvoir prédire correctement le comportement mécanique des structures en composite soumises à différents flux, il est indispensable de prendre en compte ces couplages et de les intégrer dans les outils de simulation numérique adéquats. Les paramètres d’entrée nécessaires à la simulation et tirés de la littérature sont les suivants :
- les paramètres thermiques, i.e. la conductivité, la capacité thermique et la masse volumique, en fonction de la température [2] ;
- les paramètres mécaniques (module de Young et résistance à rupture) et leur évolution avec la température, la dégradation thermique et le chargement mécanique. La dégradation thermique est vue comme un endommagement supplémentaire ;
- les paramètres de dégradation thermique. Celle-ci est modélisée par une loi d’Arrhenius modifiée, représentant la réaction de transformation du matériau sain en charbon. Ces paramètres de mécanisme cinétique sont fournis par des données issues d’Analyses Thermo-Gravimétriques.
Ces données sont entrées dans le schéma d’implémentation suivant : à chaque incrément de temps une variable rendant compte de la dégradation thermique est calculée, et ce en utilisant la température de l’incrément précédent. Cette variable est considérée comme un endommagement supplémentaire et est ajoutée en tant que tel aux endommagements mécaniques induits par le chargement mécanique appliqué. La variable de dégradation thermique permet également de calculer la chaleur produite par la pyrolyse de la matrice, point de départ au calcul de la nouvelle température.
Un exemple de résultat d’une simulation est donné ci-dessous : une éprouvette de composite est soumise simultanément à une rampe de température de 20°C/min et à une traction monotone où le déplacement est imposé, et ce pendant 25 minutes. Les résultats des simulations où l’éprouvette est chauffée et où elle est gardée à température ambiante sont comparées. Comme attendu, la variable de dégradation thermique joue le rôle d’un endommagement mécanique progressif puisque la force diminue doucement dans le cas où l’éprouvette est chauffée.
Par la suite, des comparaisons entre des essais effectués au laboratoire et les simulations seront effectuées. En effet, le but final est de comprendre et de prédire les influences relatives de la température, de la dégradation thermique et de l’endommagement sur les propriétés mécaniques résiduelles.
Références
[1] A.P. Mouritz, Z. Mathys, Post-fire mechanical properties of marine polymer composites, Composites structures (1999); 47:643-65.
[2] J.P. Hidalgo, P. Pironi, R.M. Hadden, S. Welch, A framework for evaluating the thermal behavior of carbon fibre composite materials, Proceedings of the 2nd IAFSS
Informations complémentaires
Contact
Camille Mercadé, doctorante
Institut PPRIME / Départements FTC – DPMM
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Téléport 2
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Encadrants : Thomas Rogaume, Damien Halm